04 juin 2007
LEGISLATIVES : inégalités entre circonscriptions
Aux législatives, l'électeur corse pèse plus que l'alsacien
Etabli par Pasqua en 1986, le découpage en 577 circonscriptions n'est plus jugé équitable par le Conseil constitutionnel.
Par Nicole GAUTHIER
QUOTIDIEN : lundi 4 juin 2007
Le Conseil constitutionnel s'en est ému à plusieurs reprises
: le découpage de la France métropolitaine en 577 circonscriptions est beaucoup
trop ancien pour être honnête. Dans un pays censé assurer l'égalité
républicaine entre tous ses citoyens, la voix d'un électeur de Lozère vaut
trois fois celle d'un Grenoblois, la voix d'un Corse pèse deux fois plus que
celle d'un Alsacien. L'explication en est simple : il y a un député pour 34 400
habitants dans la 2e circonscription de Lozère, et un pour 125 243 habitants
dans la 1re circonscription de l'Isère (recensement Insee de 1999). Les
exemples de cet ordre se chiffrent par dizaines sans compter les disparités
au sein d'un même département.
Réalisé il y a plus de vingt ans par les bons soins du
ministre de l'Intérieur de l'époque, Charles Pasqua, à partir des données du
recensement général de 1982, le découpage des circonscriptions n'assure plus
l'égalité entre les citoyens garantie par la Déclaration des droits de l'homme
de 1 789 (article 6) et la Constitution de la Ve République (articles 3 et 24).
Déjà, le 7 juillet 2005, dans une série d' «observations
sur les échéances électorales de 2007», les neuf sages de la rue
Montpensier soulignaient que les déséquilibres démographiques entre les
circonscriptions rendaient ce remodelage «nécessaire» : «Il incombe au
législateur de modifier ce découpage. Si cela n'est pas fait avant les
prochaines élections législatives [soit celles de 2007, ndlr], ce
qui serait regrettable, cela devra être entrepris au lendemain de
celles-ci», écrivaient-ils, en insistant sur le fait que «ces
disparités ne peuvent que s'accroître avec le temps».
Piqûre de rappel. Plus récemment, dans une décision du 3 mai 2007, ils administraient une piqûre de rappel : «Il ne fait pas de doute que la carte des circonscriptions législatives est aujourd'hui inconstitutionnelle.» Il y a certes toujours eu des différences démographiques d'une circonscription à l'autre généralement de plus ou moins 10 %, au nom de l'aménagement du territoire. Mais les mouvements de population (désertification d'un côté, densification de l'autre) du dernier quart de siècle ont amplifié les inégalités électorales. La loi du 11 juillet 1986 (article 2), qui précise qu' «il est procédé à la révision des limites des circonscriptions, en fonction de l'évolution démographique, après le deuxième recensement général de la population suivant la dernière délimitation» (soit après le recensement de 1999) est restée lettre morte.
Aucun des gouvernements qui se sont succédé depuis cette échéance (Jospin, Raffarin, Villepin) n'a suggéré un découpage plus équitable. Une proposition de redécoupage, formulée en 2005 par un conseiller d'Etat, deux constitutionnalistes, un statisticien et un haut-fonctionnaire, a été recalée par le Premier ministre de l'époque, Dominique de Villepin, et son ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy.
Certes, toute opération de «remodelage» est exposée à des accusations de «charcutage électoral» où Charles Pasqua s'était d'ailleurs révélé un orfèvre. Mais surtout les élus du monde rural sont très sourcilleux de ne rien abdiquer de leur représentativité. Du coup, les parlementaires n'ont pas osé toucher à l'équilibre des circonscriptions, aggravant, au fil des ans, le déficit démocratique.
Susceptibilités rurales. Quel que soit le résultat des prochaines législatives, le gouvernement devra ouvrir rapidement ce chantier-là. Il peut le faire a minima : maintien d'au moins deux députés par département (pour ne pas froisser les susceptibilités rurales), nombre total de députés inchangé (pour ne pas prêter le flanc à l'antiparlementarisme), mais correction des inégalités les plus criantes.
Dans ce cas, le redécoupage pourrait impliquer une trentaine de départements, regroupant une petite moitié des 577 circonscriptions. L'exécutif peut aussi être plus ambitieux et en profiter pour introduire, par exemple, la dose de proportionnelle que la majorité des partis réclament. Nicolas Sarkozy devra dire jusqu'où il veut porter, de ce côté-là, la rupture.
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