24 mars 2007
MERCI MONSIEUR ESTROSI...
... D'avoir essayé.
L'Express du 22/08/2005
Faut-il
inscrire l'inceste dans le Code pénal?propos recueillis par Julien Jeanneney
Circonstance aggravante
dans les affaires d'agression sexuelle contre des mineurs, l'inceste n'est pas
incriminé en tant que tel. La chancellerie y réfléchit
Pour
Christian
Estrosi
Ministre,
auteur d'un rapport sur l'inceste
«Ce n'est pas une infraction sexuelle comme les
autres»
Les associations de
victimes d'abus sexuels critiquent à juste titre le fait que le terme «inceste»
n'apparaisse jamais dans les actes d'accusation. En effet, notre droit actuel
ne reconnaît pas l'inceste comme une infraction pénale régie par un dispositif
législatif propre, mais seulement - sans que le mot soit prononcé - comme une
circonstance aggravante de crimes ou de délits sexuels commis contre un mineur.
En outre, le Code pénal n'a pas suivi les modifications du Code civil: par
exemple, le Pacs n'étant mentionné nulle part dans le Code pénal, il ne peut
pas être cité en cour d'assises, dans des affaires d'inceste notamment. Une
mise à jour semble donc nécessaire.
Pourquoi inscrire le terme
«inceste» dans le Code pénal? Parce que ce n'est pas une infraction sexuelle
comme les autres. La relation incestueuse se situe dans le milieu de référence
de notre société: la famille. Je considère à ce titre que la société se doit de
défendre l'enfant, être vulnérable, dépendant et sans défense, et de réprimer
l'inceste pour ce qu'il est stricto sensu: non pas un viol avec des
circonstances aggravantes, mais une horreur qui se place d'emblée sur le plan
de la perversion des relations familiales.
Aujourd'hui, il est rare
que les auteurs d'actes incestueux soient acquittés en cour d'assises. Mais
cela arrive et c'est insupportable. Afin de ne plus voir des adultes incestueux
condamnés pour de simples atteintes sexuelles, il est nécessaire de considérer
que l'inceste est présumé forcé sur tout mineur jusqu'à preuve du contraire.
Certains parleront de
moralisation, de décision sécuritaire. Mais, quand un enfant est victime d'un
acte aussi immonde qu'un inceste, il faut que le dispositif judiciaire puisse
réagir de façon adéquate. Ce qui est moralement atroce doit être réprimé en
tant que tel. Il faut caractériser nommément l'inceste comme un délit ou un
crime sexuel singulier révoltant, pour permettre aux victimes d'avoir le
sentiment que ce qu'elles ont subi n'est pas juste un viol. Entre un viol et un
viol incestueux, il y a une différence de nature, pas seulement de degré.
Pouvons-nous dès lors supporter que l'inceste ne soit qu'une circonstance
aggravante du crime ou du délit sexuel, alors qu'il devrait être le crime
lui-même? L'inceste est particulièrement choquant lorsqu'il frappe un mineur.
Les relations incestueuses entre adultes, bien que moralement choquantes, ne
tomberaient donc pas sous le coup de cette loi.
Contre
Laurent
Bedouet
Juge
d'instance, membre du bureau national de l'Union syndicale des magistrats
«Il y aurait confusion entre le droit et la morale»
L'insertion du terme
«inceste» dans le Code pénal ne va rien changer pour la victime. Pis, elle va
déstabiliser un système efficace. Pourquoi diable bouleverser les textes quand
ils permettent aux magistrats de bien travailler? J'ai été longtemps juge des enfants
et j'ai pu constater que les auteurs d'actes incestueux sont punis comme il
convient. La législation française actuelle est d'ailleurs l'une des plus
sévères en Europe, dans un pays où, en moyenne, 20% des arrêts des cours
d'assises concernent des affaires d'inceste. Quelle mouche a donc piqué
Christian Estrosi pour envisager un tel texte où il ne propose, d'ailleurs,
aucune définition juridique claire de l'inceste? Un travers bien français veut
que tous les problèmes se règlent à coups de lois nouvelles. Hélas, c'est plus
compliqué. La victime n'attend pas que l'on puisse lui dire si ce qu'elle a
subi s'appelle ou non «inceste», au risque de créer des confusions entre le
domaine du droit et celui de la morale. Notre pratique quotidienne nous montre bien
ce qu'attendent en réalité les victimes: une accélération des procédures. Il
faut parfois compter deux ans entre l'arrestation du criminel et son procès.
Voilà ce qui traumatise les victimes! Si certains parlementaires veulent
véritablement améliorer leur sort, qu'ils commencent par réclamer au garde des
Sceaux les moyens nécessaires pour raccourcir ces délais.
Par ailleurs, ce projet est
démagogique: faire croire que la modification des textes permettrait d'éviter
les acquittements abusifs est un mensonge. Certes, on a pu connaître des
dérapages. Pourtant, la faille ne vient pas des textes mais de leur
application. Céder à la tentation populiste est grave quand le bon
fonctionnement de la justice est en jeu.
Insérer le terme «inceste»
dans le Code pénal n'est donc pas efficace; bien au contraire, c'est néfaste.
En l'absence de jurisprudence, il risque d'introduire des confusions
juridiques, des incertitudes. De surcroît, au mépris des principes généraux de
la présomption d'innocence, on propose que l'auteur présumé de l'inceste
démontre son innocence dans certains cas précis. Ne va-t-on pas trop loin? Que
les députés, à l'instar de leurs collègues du Sénat, viennent donc en stage
dans nos tribunaux! La justice est une chose trop sérieuse pour supporter les
coups d'esbroufe…
Pourquoi diable, dites-vous, monsieur Bedouet, que cela ne changera rien pour les victimes et avoir ainsi dénigré le droit des victimes de l'inceste ? Parce que cela compliquait votre vie ? Croyez-vous que seule l'attente d'un procès nous fait souffrir ? Quel culot et quel mépris des victimes de l'inceste ! Je vais vous le dire, moi, ce que cela change. Dans l'inceste, il faut d'abord faire la différence entre le crime et le délit. Le délit, c'est quand le parent ne vous pénètre pas physiquement. Eh bien, croyez-moi, les conséquences sont pourtant les mêmes. Je vais vous le dire aussi franchement : je ne me considère pas comme une victime de pédophile, je suis victime de mon père. Ce n'est pas la même chose !
Quelle mouche a piqué monsieur Estrosi, vous dites ? Le courage de dire et de faire et je le dis franchement : merci monsieur Estrosi !
Merde.
Vous pouvez télécharger son rapport ici : Inceste_Rapport_Estrosi
Et le discours de Pascal Clément : Discours_de_Pascal_Cl_ment___Remise_du_rapport__Faut_il__rige
Et le discours de monsieur Estrosi : discEstrosi270705
Dans les différents pays européens :
ALLEMAGNE
Le
code pénal reconnaît l'inceste comme une infraction
spécifique, qui fait partie des infractions contre l'état civil,
le mariage et la famille.
ANGLETERRE ET PAYS DE GALLES
La
loi de 1956 relative aux infractions sexuelles reconnaît l'inceste comme
une infraction spécifique, en établissant une distinction selon
qu'il est commis par un homme ou une femme.
ITALIE
Le
code pénal reconnaît l'inceste comme une infraction
spécifique, qui fait partie des infractions contre la « morale
familiale », s'il y a scandale public.
SUISSE
Le
code pénal reconnaît l'inceste comme une infraction
spécifique, qui fait partie des infractions à la famille.
les délais de prescription par contre ne sont pas assez longs.
Vous pouvez télécharger le rapport comparatif du Sénat ici : lc102
L'INCESTE EST UN CRIME SPECIFIQUE ET DOIT ETRE RECONNU COMME TEL !
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