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17 mars 2007

INTERVIEW Catherine Perlmutter

Catherine Perlmutter

Avocate au barreau de Paris, spécialisée en droit des personnes.

Catherine Perelmutter est avocate depuis 17 ans. Elle est spécialisée en droit immobilier et en droit des personnes, c'est dans ce cadre là qu'elle collabore depuis 5 ans avec l'association " Enfance et partage " qui propose un savoir- faire en matière de protection et de défense des enfants victimes de violences physiques et sexuelles.

Le terme inceste existe-t-il dans le Droit Pénal ?
Le mot inceste n'est pas inscrit stricto sensu dans le Code Pénal Français. Il constitue simplement une circonstance aggravante du viol. Dès lors, l'inceste est inscrit dans le code sous les termes " viol commis par une personne ayant autorité ".
Le viol en tant que tel est un crime susceptible d'être puni par une peine de 15 ans de réclusion criminelle, alors que le viol " commis par une personne ayant autorité " est susceptible d'être puni d'une peine de 20 ans de réclusion criminelle.
Par " personne ayant autorité ", on entend les personnes ayant un certain pouvoir sur la victime, c'est à dire : toute personne membre de la famille ou extérieure à elle qui joue un rôle d'autorité vis-à-vis de la victime. Il peut donc s'agir des parents, des grands-parents, mais aussi des professeurs, éducateurs... Mais il n'y a pas de spécificité de punition pour l'inceste en tant que tel.

Quelle différence fait-on entre le viol et les attouchements dans le cadre de l'inceste ?
Il existe deux types d'infractions sexuelles pour le comportement incestueux au sens large : l'une est qualifiée de crime, l'autre de délit. On parle de viol lorsqu'il y a pénétration par n'importe quel orifice : pénétration digitale, anale, buccale... Il s'agit là d'un crime qui nécessite une instruction obligatoire et un renvoi devant la cour d'assises. A contrario, on parle d'attouchements lorsqu'il n'y a pas de pénétration. Il s'agit donc de toutes agressions sexuelles commises avec violence, sous la contrainte ou la menace. Ce délit nécessite également une instruction et un renvoi devant le tribunal correctionnel.

Le viol jugé aux assises et les attouchements en correctionnelle, est-ce une réponse immuable ?
Parfois, on fait face à un dossier délicat et par peur que la cour d'assises acquitte l'agresseur par manque de preuve, on décide d'un jugement en correctionnelle qui offre plus de certitudes. Donc, souvent, le choix de l'instance est lié au problème de la preuve.

Indépendamment des actions au pénal, peut-on envisager pour les victimes une réparation au civil ?
Oui, par exemple pour le viol, parallèlement à la solution pénale, il y a toujours la possibilité d'aller au civil. Dès lors, ce n'est pas sur le fondement du viol ou sur l'agression qu'on insiste, mais plutôt sur la faute : c'est plus les dommages et intérêts qui sont visés.

Et au niveau des peines ?
Comme je vous l'ai dit, le viol est normalement puni de 15 ans, mais il existe des circonstances aggravantes qui peuvent durcir la peine, notamment le viol " commis par personne ayant autorité ".
Pour les agressions sexuelles, la peine est de 5 ans mais il existe aussi des circonstances aggravantes. Si l'acte est commis par un ascendant légitime, par toutes personnes ayant autorité sur la victime ou encore par toutes personnes ayant abusé de l'autorité que lui confère ses fonctions.

Comment se déroule la procédure judiciaire ?
Après avoir effectué l'expertise psychologique et médicale de la victime, la police l'auditionne. A cet instant précis, le procureur décide de poursuivre ou non la procédure. Si il n'y a pas de poursuite, la victime peut porter plainte en enclenchant la procédure judiciaire en se constituant partie civile.
Si par contre, le procureur décide de poursuivre la procédure, le juge d'instruction est saisi et décide de la liberté provisoire ou non de " l'agresseur ". Le juge d'instruction ouvre alors une information avec mise en examen de l'auteur et confrontation entre les deux parties. Le juge a également la possibilité de filmer la victime pour éviter un face à face trop brutal avec l'auteur présumé.

La prescription est un terme qui revient souvent dans les affaires d'inceste, pouvez-vous nous apporter des précisions par rapport à ce terme ?
Le délai de prescription est le délai qui court à compter de l'infraction, durant lequel une personne peut-être poursuivie. Ce délai est de 10 ans* après la commission des faits ou 10 ans après la majorité de la victime : il s'agit là des nouveaux délais de prescription pour les crimes (viols) en application depuis 1989. En 1998, le délai relatif au délit (attouchements) a été aligné sur celui du crime et a donc été rallongé à 10 ans. On peut donc dire que même si certains éléments liés à l'inceste en tant que tels (amnésie des faits, période d'occultation...) n'ont pas encore été pris en compte, la justice a quand même progressé en revoyant par deux fois la loi en 1989 et en 1998.
* 20 ans aujourd'hui
Etes-vous pour l'imprescriptibilité ?
J'ai écrit dans "Libération" que dans l'attente d'une meilleure solution, la justice devrait peut-être penser à rendre l'inceste imprescriptible. Or, pour le moment en France, le seul crime imprescriptible est le crime contre l'humanité, or l'inceste et le crime contre l'humanité sont deux choses bien différentes.
Une autre solution s'envisage : peut-être que pour les victimes de 29 ans et plus, on pourrait trouver un moyen juridique de rallonger la prescription. Peut-être devrait- on trouver une clause de suspension de la prescription. Pour les cas d'amnésie des faits, on pourrait aussi envisager de faire courir la prescription à dater de la prise de conscience des victimes. Cela pourrait être une nouvelle amélioration de la justice. D'un autre côté, cela engendre un nouveau problème : celui de la dissimulation des preuves et de la difficulté d'en trouver au moment de l'ouverture du procès.
Mais je crois que la solution est avant tout dans la main des victimes... La meilleure des choses serait de leur demander si elles ont véritablement besoin d'un procès pour se reconstruire.

Est-ce qu'une reconstruction est possible chez la victime à partir du moment où il n'y a pas de procès ?
Quoiqu'il ce fasse, qu'il y ait procès ou pas, la souffrance existe chez les personnes abusées. Il faut bien garder à l'esprit que le procès n'est pas une recette miracle pour atténuer la souffrance. Il peut aider, mais ne peut pas tout résoudre. Pour ma part, je crois que encore mieux qu'un procès, c'est la psychothérapie qui permet la reconstruction.
Il faut toujours se poser deux questions :
Est-ce que les réponses que l'on peut donner sont uniquement judiciaires ?
Est-ce forcément dans la réparation judiciaire que l'on doit creuser ?
Il est vrai qu'être reconnu comme victime est peut-être l'élément le plus important, car chez les témoins, il y a toujours cette culpabilité diffuse, cette impression d'être le criminel. C'est un passage primordial, et peut-être encore plus pour l'enfant que pour l'adulte, car l'enfant, pour croire en la société dans laquelle il grandit, doit croire en son système judiciaire. A partir du moment où l'enfant est reconnu comme victime, il va pouvoir se libérer de ce statut de victime. Le procès peut-être un bon point de départ pour ce faire, mais ce n'est pas l'unique possibilité. Il y a d'autres moyens comme engager une procédure pour changer de nom afin de ne plus porter le nom de son agresseur, etc...

Dans un article de " Libération", vous faîtes un parallèle intéressant entre l'inceste et le crime contre l'humanité. Qu'entendez-vous par là ?
J'insiste tout d'abord sur le fait que ce n'est pas du tout la même chose, mais qu'après observation, on décèle pas mal de similitudes.
D'abord au niveau du silence de la société qui laisse commettre des crimes sans ouvrir les yeux avec, en outre, un énorme délai pour réussir à prendre conscience des choses.
Ensuite, au niveau de la puissance du traumatisme. On observe dans les deux cas le traumatisme des survivants qui se transmet bien souvent sur plusieurs générations (3), à cause de l'intensité du choc.
Et puis, il y a aussi la perte d'identité de la victime dû à la présence de nombreux troubles du comportement.

Posté par CendraOnTheBlog à 14:00 - INCESTE - Commentaires [0] - Rétroliens [0] - Permalien [#]

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